Au Festival Échos des Steppes : La Voix, la Mémoire & l’Esprit d’Altaï
- Ulziibat Enkhtur
- Sep 13
- 2 min read

Dès que je quitte la ville pour les vastes steppes, mon cœur se libère. Ce n’est pas de la nostalgie : c’est physique, presque miraculeux. Le poids invisible disparaît, et je deviens simplement présence, reliée à la terre et au souffle du monde.
Je suis née à Gobi-Altai. Chaque été, je vivais trois mois avec ma grand-mère nomade dans les montagnes du sud de l’Altaï. Ces étés étaient une parenthèse de liberté absolue : courir dans la steppe, grimper les sommets, écouter le vent et les contes sous la yourte, sous un ciel étoilé. Ma grand-mère m’a transmis une vision sacrée de la nature : la terre est vivante, tout est relié par un fil invisible. Elle disait :« Nous sommes ici pour vivre au rythme de l’univers et grandir en vertu. »
Plus tard, j’ai quitté la steppe pour la ville, puis pour l’étranger. Pourtant, je suis restée liée à cet héritage en travaillant avec les nomades, la laine, l’artisanat, puis l’art contemporain. C’est une manière de réinventer la philosophie nomade pour aujourd’hui.
Cet été, j’ai participé au premier festival européen de chant diphonique, à Romainmôtier en Suisse. Le khuumii, chant ancestral de Mongolie et de Touva, imite les sons de la nature — vent, rivières, chevaux. À l’origine, il servait à apaiser les animaux et à honorer les esprits. Aujourd’hui, reconnu par l’UNESCO, il continue de relier le monde ancien au présent.
Le festival, né de la passion de deux musiciens européens formés en Mongolie, a réuni 36 participants de 14 pays. Concerts acoustiques, ateliers de chant long et de danse traditionnelle, expositions d’art et d’artisanat… Tout respirait l’esprit nomade. La musique nous a transportés dans un espace hors du temps, reliant la steppe aux mythes celtiques et à l’émotion universelle.
Au fil des voix et des récits, j’ai senti la continuité entre mon enfance dans l’Altaï, l’enseignement de ma grand-mère et ce moment de partage mondial. La steppe vit dans chaque souffle, chaque chant, chaque battement de cœur.
Où que nous soyons, nous faisons partie d’un même souffle — le vent des échos — qui nous rappelle que nous sommes liés à la Terre et les uns aux autres, dans un chant éternel.
Ulziibat Enkhtur / fondatrice de Mongolian Handicrafts

Au Festival Échos des Steppes, Romainmotier, 2025


















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